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Arts & Mots
13 février 2015

Revue N°1 : "Tous artistes !"

Artiste ?


Des actes, des gestes, de la création. Un savoir, des techniques plus ou moins maitrisées, une envie de faire une œuvre reflet de soi-même, d'une partie de soi qu'on ne soupçonne parfois pas. Une transmission vers l'Autre de créativité, d'originalité, de poésie puisées dans les émotions, les sentiments, la réflexion, la spiritualité et pouvant aller jusqu'à la transcendance. Le besoin d'être reconnu au delà de ce que l'on montre quotidiennement et banalement. L'envie d'être admiré, d'être envié. Le besoin de s'exprimer, de dire ce qu'on aime, ce qu'on ressent, ce que l'on admire soimême, les valeurs que l'on porte. Et puis le regard des autres qui va s'abattre sur nous. Préjugés, crainte, refoulement de l'espoir et du frisson, paralysie. La notion péjorative qui prend le dessus. « Ah, c'en est d'un artiste, celui-là ! » ou bien « il va finir artiste ! ». L'oisiveté, la marginalité, la perte du sens des réalités, le rebelle, le fou... et s'il allait jusqu'au génie ? Alors ? Ne pas se faire remarquer... finalement on est bien dans l'anonymat immobile. Ce serait donc cela être artiste ? Devenir quelqu'un ? Quelqu'un qu'on remarque ? Quelqu'un qui existe ? Quelqu'un qui avance ? Quelque soit l'art pratiqué, il y a un vecteur d'expression. Le corps, la voix, l'esprit, les mots, les images, la musique, l'adresse et la dextérité pour faire naître des objets... une manière pour l'artiste de se retrancher derrière un paravent parfois si mince... une manière pour l'artiste de faire passer son message, une manière pour la personne qu'il est de ne pas se dévoiler complètement mais de s'exprimer à travers une autre entité, un objet, une idée. Se cacher encore un peu... pour ne pas être totalement reconnu et identifié ? Mais si ! C'est pour cela qu'il est devenu artiste ! Pour qu'on le reconnaisse en tant qu'individu ! Horrible paradoxe...

rochefort


Je n'avais jamais posé tous ces mots les uns après les autres pour structurer une pensée, une argumentation il y a 25 ans déjà. Pourtant, cette réflexion était en moi, sans que je le sache. En désordre. Presque inconsciente. Je ressentais les choses de cette manière, tiraillé entre l'envie d'être quelqu'un, le besoin qu'on me reconnaisse pour autre chose que l'homme ordinaire, menant sa vie personnelle sans excès, sa vie professionnelle toute tracée pour peu que je reste bien dans la ligne qui se dessinait devant moi.
Et puis, la vie en a décidé autrement.
Ecrire pour soi, écrire pour les autres, trouver les mots qui vont bien ensemble, faire rêver. S'exprimer pour capter l'attention de l'Autre.
Un livre, deux livres, bientôt une petite dizaine.
Une chronique, des escapades, des mots ensoleillés, des images qui surgissent derrière la parole. Une nouvelle manière de pratiquer un art difficile.
Un défi villageois, dans une rue où tous les voisins se connaissent, passent du temps ensemble, des amis en somme. Et si nous proposions une pièce de théâtre pour apporter un peu de subside à l'école primaire ? Voilà la machine emballée. Secrètement ressurgit cette envie d'être quelqu'un, à travers quelqu'un d'autre. Une pièce très connue, puis une deuxième, une troisième, des textes d'auteurs locaux, retour aux grands auteurs de la comédie de boulevard... 10 années passées avec envie, passion pour entrer pendant 4 mois dans la peau d'un nouveau personnage chaque année qui n'existe que si l'on a la volonté de le faire vivre, avec tout ce qu'on a en soi et qu'on ne montrerait pas d'ordinaire.

Un ami qui vous veut du bien, que du bien, du bonheur même. Celui qui vous dit un jour qu'il cherche un « acteur-scénariste » pour aider à écrire et jouer un spectacle de chevalerie historique et fantastique, légendaire, et qui.... OUI !!! j'ai dit oui avant qu'il n'ait fini sa phrase. Un rêve de gamin digne d'un « pays où l'on n'arrive jamais ». Devenir un saltimbanque, comme ceux qui arrivaient avec leurs fourgons, leurs chevaux, leur matériel, leurs costumes, leurs idées et leur scénario pour faire frissonner, émouvoir le temps d'un spectacle, ceux qu'on admire parce qu'on ne pourra jamais faire ce qu'ils font. Le temps d'un été, me voilà parti sur les routes, du son et lumière de Ploërmel aux Médiévales d'Hennebont, en passant par les estivales du Fort la Latte. Mr Loyal, puis le défenseur armé du droit et de l’honnêteté. Un combat à l'épée. Et à nouveau intendant, ordonnateur, veilleur discret, héraut d'armes, prêteur de voix. Et toujours ce même petit déclic avant de s'élancer pour une nouvelle représentation. Représentation... c'est cela, il s'agit de représenter quelque chose. Ouf ! Ce n'est pas moi... Se glisser dans l'apparence d'un autre. Comment tout cela a-t-il bien pu naître ?

Sans doute il y a 25 ans, lorsque j'ai vu soudain des personnes de mon époque, des gens que je croyais ordinaires, qui travaillaient comme moi, qui avaient une vie faite d'un quotidien parfois difficile, entrer dans des costumes d'un autre âge, devenir le temps d'une journée, d'un week end, quelqu'un d'autre, et tout cela sans se départir d'être eux-mêmes. Et de m'encourager à faire pareil... bien sûr que non. Je ne pourrai pas. Mettre ce costume... sortir devant tout le monde ainsi accoutré ? Je l'ai fait et je ne sais toujours pas pourquoi. Et le week end suivant, j'ai demandé qu'on me fabrique un vrai costume, une identité.

Et tous ceux et celles qui faisaient la même chose en même temps, qui suscitaient l'admiration du public, qui faisaient briller les yeux des enfants, rêveurs d'un héro défenseur de leurs innocentes valeurs, preux et galant ou errant solitaire, ou d'une dame mystérieuse, enfermée dans sa magie ou dévouée à son chevalier servant, devenaient des artistes d'un jour. Être artiste tient à peu de chose. C'est même ancré en chacun de nous. Peut être que rien ne le révélera jamais. Peut être que nous serons toujours réticents à basculer dans cet Ailleurs. Mais nous ne pouvons le savoir que si le moment venu nous saisissons cette chance et franchissons ce pas. Il est bien rare qu'on le regrette.

Pierrick Gavaud

 

huile 

Peinture à l'huile - Béa Becker-Roigt

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