Revue N°1 : "Tous artistes !"

Écrire.

J’ai trempé ma plume dans le sang de mon cœur,
A cet’ encre j’ai confié mes petits et grands bonheurs,
Mes peines et mes chagrins, mes vrais et faux malheurs.
J’ai écouté mon cœur battre, compter les heures,
Rythmer le temps suivant mes caprices, mes humeurs.
J’ai dessiné des je t’aime au milieu des fleurs
Puis froissé le papier par dépit, de fureur,
Quand tu as claqué la porte de ma vie, en pleurs.A cette plume j’ai confié toutes mes erreurs,
Sur le papier j’ai soigné les blessures de mon cœur.
Elle crissait de rage comme les lames du patineur,
Sur un lac gelé aussi froid que mes sueurs,
Lorsque mon corps suinte mes doutes et mes peurs,
Quand l’amour se fait la malle tel un déserteur.
Alors le cahier devient mon souffre-douleur,
Entre ses lignes je survole, en apesanteur.

A mon cahier je confie tous mes non-dits,
Sans pudeur, j accouche les mots, jamais n’ai menti,
Il gardera mes secrets, dans le tiroir tapis,
Jusqu’au jour où, par hasard, besoin ou envie,
Je lui demanderai, comme on lit les lignes de vie,
Pourquoi au milieu de l’amour tu es partie,
Fidèle à ma mémoire il reprendra mes cris,
Comme un ami, patient, il m’écoutera sans bruit.

Combien de pages blanches ai-je ainsi noircies ?
Quand on aime, on ne compte pas, l’amour c’est gratuit,
Ecrire c’est refaire le voyage entre joies et soucis,
C’est revisiter l’histoire, un passé qui s’enfuit,
Parfois c’est mouiller le vélin lorsque le cœur fuit,
Les rires, hélas, ne laissent pas de traces, même si
Ils forment aux coins de la bouche, une marque, un pli,
Au spectre de mes peurs, infiniment, je renais et vis.

Les phrases sont des ruisseaux, de l’eau de vie
Qui après mille méandres ont quitté leurs lits,
Pour se fondre dans la mer, toutes ensemble réunies.
Les mots couvrent des pages et le livre s’écrit,
Les feuilles mortes ressuscitent pour raconter la vie,
L’édifiante histoire d’un enfant qui grandit,
Celle d’un cœur, d’une plume et d’une feuille que l’on associe,
Un cœur, une plume et une feuille pour toujours réunies.

Écrire, c’est planter un arbre au champ de l’oubli,
C’est, dans une longue plainte, accoucher d’un enfant,
Ecrire, c’est peindre la page aux couleurs de la vie,
C’est offrir au futur le plus beau des présents.

Alain Gérardin

Fusain - Béa Becker-Roigt